Eglise St Germain à Couture, le samedi 28 novembre 2015 à 20h
Souvent le Requiem est l’une des premières œuvres de Gabriel Fauré qui vient à l’esprit du mélomane. Cette œuvre est l’une des plus connues dans le répertoire propre à la musique classique: elle est connue tant par les choristes amateurs que par les professionnels les plus aboutis. Pourtant la connaissance que nous en avons souvent est fondamentalement fausse: nous avons à l’oreille une grande œuvre pour orchestre symphonique demandant des effectifs importants alors que Fauré a composé une œuvre d’une grande profondeur mais avec un effectif tout a fait particulier, adapté à la taille de la maîtrise de La Madeleine et qui n’a pas grand chose à voir avec un orchestre symphonique.
Selon les recherches menées sur son Requiem depuis le début des années 1980, Fauré avait écrit une œuvre intime tout d’abord avec à peine quelques cordes et orgue, formation qu’il élargit par la suite pour arriver à la composition suivante : 2 cors, 2 trompettes, 3 trombones, timbales, harpe, orgue, 7 altos, 5 violoncelles, 2 contrebasses et … 1 seul violon qui a un rôle de soliste.
Fauré écrit son Requiem en 1887 soit deux ans après la décès de son père. L’oeuvre est exécutée pour la première fois le 16 janvier 1888 sous sa direction lors de l’enterrement d’un certain M. Joseph Le Soufaché. Il est intéressant de voir que son œuvre va encore évoluer durant 5 ans. En effet, lors de la première exécution, le Requiem ne comprenait que 5 mouvements : 1) Introït et Kyrie, 2) Sanctus (daté du 8 janvier 1888), 3) Pie Jesu, 4) Agnus Dei (daté du 6 janvier 1888), 5) In paradisum.
Cette première version du Requiem fut encore employée jusqu’à la fin du siècle à La Madeleine alors qu’en même temps, Fauré prépara une version étendue pour les grandes occasions. Cette version, qui fut exécutée pour la première fois en janvier 1893, comprenait deux mouvements supplémentaires avec un baryton soliste : l’Offertoire (composé en 1889) et le Libera me (déjà composé en 1877 comme composition indépendante pour baryton et orgue).
Enfin, en 1900, la troisième version du Requiem était exécutée pour la première fois au Trocadero, à Paris, durant l’exposition universelle. Il s’agit de la version pour grand orchestre symphonique, c'est-à-dire la plus connue.
Les circonstances qui ont engendré cette troisième version ne sont pas claires : face à la demande faite à Hamelle, son éditeur, de publier le Requiem, Fauré promet de préparer la partition pour la publication mais, s’il demande de pouvoir confier la réduction pour piano à un de ses élèves, Roger-Ducasse, il n’est pas question de réorchestration. Si l’on sait que Fauré confiait l’orchestration de certaines de ses œuvres à ses assistants et qu’il était très occupé à ce moment de sa vie par ses tâches administratives ainsi que par l’enseignement au Conservatoire, on peut imaginer qu’il n’ait pas eu le temps de réorchestrer son œuvre. Un troisième argument vient appuyer cette théorie: lorsque Fauré envoyait des partitions pour la publication, il était très méticuleux dans ses relectures et ses corrections or la version publiée par Hamelle est pleine d’erreurs. Cette version prend aussi un tout autre parti par rapport à l’original de 1888: on y observe des changements de dynamique, d’articulations, de coups d’archets… Le manuscrit de 1900 est perdu et il n’y a pas de traces qui permettent de dire que Fauré ait préparé cette exécution lui-même. Tout semble donc nous indiquer que cette nouvelle orchestration est bel et bien le travail d’un élève.
Ce concert offre une version toute épurée: le choeur et les solistes sont accompagnés uniquement par le piano.